Des angles morts parfaits pour la fiction

-Cheveux longs ou cheveux courts ?

Jeanne d’Arc est enfin une candidate parfaite pour les mangas grâce aux nombreux angles morts de son histoire. Le premier concerne son image puisqu’elle demeure une jeune fille dont le visage (et le corps) reste du domaine de l’imagination, aucun portrait réalisé de son vivant n’ayant traversé le temps. N’ayant donc pas réellement de visage historique sur lequel s’appuyer, le mangaka se retrouve donc libre d’y poser le profil qu’il souhaite sans avoir le sentiment de trahir franchement l’histoire. Malgré tout, il existe des descriptions et des traditions orales de Lorraine et de la région d’Orléans qui nous donnent une idée de l’allure de la Pucelle.


Selon les divers témoignages, Jeanne d’Arc aurait été brune, portait les cheveux coupés en rond comme les hommes de guerre de son temps, et mesurait environ 1,60 m. Qualifiée de « bien compassée et forte » dans La chronique de la pucelle, elle apparaîtrait plutôt sportive. Ce sont les miniaturistes italiens des années 1500 qui l’imaginent blonde, grande et mince. Cette dernière image perdure à travers le temps. Deux autres représentations de Jeanne d’Arc ont traversé le temps :

  • Le plus connu est issu du Journal de Clément de Fauquembergue, greffier au Parlement de Paris, un croquis de profil réalisé en marge en 1429 où Jeanne, de profil porte les cheveux longs, une robe et une épée sur le côté. Mais il est assez peu probable que son auteur ait rencontré Jeanne et il semble certain qu’il l’ait plutôt réalisé d’après les rumeurs et/ou son imagination.
  • Le second portrait plus complet à notre disposition a été réalisé vers 1450, vingt ans après la mort de la Pucelle. Il s’agit d’une enluminure dont l’auteur est inconnu, qui apparaît dans un manuscrit des “Poèmes” rédigés par Charles 1er d’Orléans, prince poète et cousin du Dauphin Charles VII.

Globalement, les auteurs ont sensiblement respecté les descriptions de l’époque et ce dernier portrait jusqu’aux années 2000 : Jeanne est une jeune fille aux cheveux courts châtains ou roux et en armure. Depuis les années 2000, la fantaisie est de mise : elle est généralement plutôt blonde aux yeux clairs (sans doute pour respecter aussi les stéréotypes japonais concernant la femme occidentale), les cheveux longs parfois et, parfois, dans la tradition conservatrice du manga, un peu naïve (mais pas trop). Son armure est remplacée par un costume clair orné le plus souvent de la croix d’une manière ou d’une autre et de la fleur de lys, symbole de la royauté présent sur son étendard.