Le procès et le bûcher

Certaines autres failles ou ambiguïtés sont aussi largement exploitées sporadiquement par les mangakas. On ne reprendra pas ici le procès en lui-même, ni le traitement de l’Évêque Cauchon, qui mériterait une analyse comparative approfondie, mais plutôt un autre point sensible, celui concernant les témoignages faisant état d’une tentative de viol contre Jeanne après son jugement et avant son exécution. Deux témoignages contradictoires laissent ainsi une porte entrouverte.

Le premier est formulé par le frère Martin Ladvenu. Ce dernier, membre de l’ordre des frères prêcheurs au couvent de Rouen, âgé d’environ cinquante-six ans au moment du procès de Jeanne, rapporte avoir appris de cette dernière qu’un seigneur anglais serait venu vers elle et aurait tenter de la prendre de force. À la suite de ce moment de tension elle aurait repris l’habit d’homme afin d’éviter toute nouvelle tentative. Ysambard de La Pierre, dominicain du couvent de la Pierre quant à lui affirme alors l’inverse : Jeanne aurait été bel et bien violée à l’occasion de cette rencontre. Un troisième témoignage existe : celui de Pierre Cusquel, maître maçon au château où est détenu Jeanne, qui rapporte les « on dit » et infirmerait la version de Martin Ladvenu. Dans tous les cas, c’est à la suite d’un rapport conflictuel non éclairé, avec des visiteurs peu scrupuleux qu’elle aurait décidé de reprendre l’habit d’homme. Ce doute est exploité par le seinen horrifique Dance Macabre – A Brief History of the Darker Side, signé Kôichi Onishi et publié en 2009 au Japon. Ce manga se propose de revenir en deux volumes sur quelques épisodes historiques sanglants de l’histoire occidentale, Jeanne d’Arc constituant le premier, l’Inquisition, Caligula et la crucifixion de Jésus lui succédant. L’histoire débute en 1430 par sa capture et se termine par sa mort. Entre temps, ce one shot présente Jeanne d’Arc dans la tradition de la frêle jeune fille victime de la barbarie et des calculs politiques, et lui fait subir un viol collectif orchestré par Cauchon qui la force ainsi à reprendre l’habit d’homme, raison principale pour laquelle elle fut brûlée.